Arrivé du côté de Lille en janvier, Hatem Ben Arfa a fait ses débuts avec un 10e club différent chez les pros, le 5e au cours des 5 dernières années. Malgré son âge et plusieurs désillusions, l’ancien international français reste un phénomène partout où il passe, en raison de sa capacité à alterner entre des moments de génie et des passages à vide. Chiffres à l’appui, retour sur une énigme du football.
Quand le mercato d’été arrive à son terme vient le moment où il répond aux appels. Habitué à être libre de tout engagement durant l’intersaison, Hatem Ben Arfa reste un profil alléchant pour nombre de clubs qui espèrent mettre le grapin sur le joueur capable d’affoler n’importe quelle défense grâce à ses qualités techniques. En 2022, c’est Lille qui a cette fois misé sur “HBA”, l’ailier ayant signé pour 6 mois chez l’actuel tenant du titre de Ligue 1 et futur adversaire de Chelsea en huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Un pari nécessaire pour les Dogues, qui sont loin d’être à la fête en championnat.
Quoiqu’il arrive dans le Nord – ou ce qui pourrait s’ensuivre – Hatem Ben Arfa demeurera le meilleur dribbleur que la France ait connu depuis la retraite de l’iconique Zinédine Zidane en 2006. Depuis cette année, seuls Neymar (5.0) et Lionel Messi (4.7) ont réussi plus de dribbles par 90 minutes en moyenne que HBA (4.3) dans les 5 grands championnats européens (parmi les joueurs ayant joué au moins 15 000 minutes). Rien qu’en Ligue 1, il a effectué 628 de ses 1 217 dribbles en 214 apparitions – ces 2 valeurs sont les plus élevées du championnat de France depuis qu’Opta dispose de ces données (2006/07).
La malédiction de la génération 87
Avant ses débuts chez les pros avec Lyon en août 2004, Ben Arfa était déjà sous les feux de la rampe. En 2002, il a participé à la série documentaire “À la Clairefontaine” décrivant la vie des adolescents au sein de l’INF Clairefontaine, le centre de préformation le plus reconnu en France. Le milieu de terrain offensif devient l’un des personnages principaux de la série, notamment en raison de sa bagarre avec Abou Diaby. Son premier grand exploit sur un terrain de football remonte à mai 2004, lorsqu’il a remporté le championnat d’Europe des moins de 17 ans aux côtés de Karim Benzema, Samir Nasri et Jérémy Ménez. Ce quatuor a ensuite été annoncé comme l’avenir des Bleus, mais ils ont tous connu divers revers qui ont fait qu’aucun d’entre eux ne faisait partie de l’équipe championne du monde en 2018.
À Lyon, Ben Arfa est devenu le premier joueur mineur à évoluer en Ligue 1 au 21e siècle (suivi quelques mois plus tard par Karim Benzema). Il a d’abord eu du mal à trouver une place de titulaire dans une équipe qui écrasait son championnat à l’époque – l’OL ayant conservé le titre de champion de 2002 à 2008. Mais il a profité du départ de Florent Malouda à Chelsea en 2007 pour gagner en temps de jeu et montrer ses capacités. Lors de sa dernière saison à Lyon, il est impliqué dans 11 buts en Ligue 1 (6 buts, 5 passes décisives) et remporte le titre de meilleur espoir. Il a également obtenu ses 6 premières sélections avec l’équipe de France, marquant dès sa première apparition contre les Îles Féroé. Malgré ce début encourageant, Ben Arfa n’ajoutera que 9 capes et un seul but à son compteur en Bleu.
L’herbe n’est pas plus verte loin de Lyon
En raison de multiples querelles avec ses entraîneurs (Eric Gerets et Didier Deschamps à Marseille, Laurent Blanc avec les Bleus, Steve Bruce à Hull City) et de diverses blessures (il a manqué 59 matches en 4 saisons à Newcastle), la carrière de Hatem Ben Arfa n’a pas décollé comme prévu malgré quelques bonnes passes. Il a participé au dernier titre de champion de Marseille en 2010 avant de partir pour les Magpies où il a alterné les performances décevantes et les coups de génie comme son but contre Blackburn en FA Cup 2011/12. Inspiré, Ben Arfa a parcouru 40 mètres balle au pied avant de se défaire de 4 joueurs adverses et de marquer à bout portant.
Lors de son passage à Newcastle, il a été l’un des meilleurs dribbleurs de Premier League, affichant 4.15 dribbles par 90 minutes, de loin la meilleure moyenne dans la compétition sur la période.
Le record de dribbles sur un match de Ben Arfa a également été établi lors de son passage en Angleterre, en décembre 2013, lors de la victoire 5-1 de Newcastle sur Stoke. Ce jour-là, il a réussi 12 de ses 18 tentatives – 11 étaient dans les 30 derniers mètres. Un de ses dribbles lui a notamment permis de délivrer une passe décisive à Loïc Rémy pour le but égalisateur. Un exploit sans lendemain qui reste une marque de fabrique pour le joueur qui n’a été décisif qu’une seule fois lors des 13 rencontres auxquelles il participera ensuite en Premier League 2013/14, signant la fin de son aventure dans le Tyneside.
Rédemption(s) et rechute(s)
Après une mauvaise année 2014, avec Newcastle puis Hull City, Hatem Ben Arfa doit chercher une porte de sortie de l’autre côté de la Manche et rebondit à Nice en 2015/16. Avec les Aiglons, il a réalisé la saison la plus réussie de sa carrière, marquant 17 buts et délivrant 6 passes décisives en 34 apparitions en championnat, permettant à Nice de se hisser à la 4e place de Ligue 1.
Avec 153 dribbles réussis dans l’élite française cette saison-là, il a établi le record sur un même exercice pour un joueur depuis 2006/07. Dans le détail, il a démontré une nouvelle fois sa capacité à slalomer au milieu de ses adversaires, réalisant plusieurs dribbles sur une même possession de balle à 44 reprises, soit 25 de plus que tout autre joueur sur la période.
Après une saison aboutie sur la Côte d’Azur, Ben Arfa a décidé de franchir un cap en rejoignant le Paris Saint-Germain. Il a marqué dès sa 1re apparition lors du Trophée des Champions, mais il a rapidement perdu la confiance de son entraîneur après des performances décevantes. En 23 apparitions en championnat avec le PSG, il n’a tenté que 15 tirs sans marquer le moindre but. Unai Emery a ensuite écarté le joueur du groupe professionnel entre avril 2017 jusqu’à la fin de son contrat en juin 2018 à cause – semble-t-il – d’un incident avec l’émir Tamim al-Thani, le propriétaire du club.
Douce vengeance
L’histoire aime se répéter et Hatem Ben Arfa ne fait pas exception. En septembre 2018, il a rejoint Rennes alors sous la présidence d’Olivier Létang, ex-directeur sportif du PSG (qui est depuis devenu président de Lille – le monde est petit). En Bretagne, HBA a réalisé une saison encourageante avec 9 buts et 6 passes décisives en 41 apparitions toutes compétitions confondues. Il a surtout participé à la meilleure campagne européenne de Rennes, 8e de finaliste de Ligue Europa et a pris sa revanche sur le PSG en remportant la finale de la Coupe de France aux dépends du club parisien (2-2 a.p., 6-5 tab).
Et maintenant ?
Une fois de plus, Ben Arfa a surpris tout le monde en résiliant prématurément son contrat avec Rennes. Depuis, il peine à retrouver sa gloire d’antan. Son passage au Real Valladolid en 2020 a tourné court avec seulement 158 minutes de jeu. Il a ensuite signé un contrat d’un an avec Bordeaux en 2020/21 où il n’a pas réussi à avoir autant d’impact qu’à Nice ou Rennes. À Lille, il a l’ambition d’être plus qu’un joker de luxe, un rôle qui ne lui a jamais convenu – totalisant 88 apparitions en tant que remplaçant en Ligue 1 sans jamais marquer de la sorte, le 2e plus haut total dans l’histoire de la compétition.
Il ne fait aucun doute que Hatem Ben Arfa a le talent nécessaire pour briller à nouveau au plus haut niveau, mais les mois à venir semblent être la dernière chance pour lui de montrer qu’il a toujours l’envie d’être au sommet de son art.